On est allé voir le docteur. C'était un Vendredi. 18h. Ca n'a pas duré longtemps, peut-être 10 minutes. Il ne reste que quelques jours à vivre pour mon père. C'était dit. On a posé deux ou trois questions. Le verdict était clair. Tu l'acceptes et tu te tais. On est sorti du bureau. on s'est rendu dans sa chambre d'hôpital accompagnés du docteur. Il s'est adressé à mon père, lui faisant comprendre qu'il nous avait averti de la situation, de la fin proche. Pas une larme. "Ne vous acharnez pas" a déclaré mon père au docteur. Je commençais à être de plus en plus étonné de son courage et de son calme. Mon père avait accepté son départ, sans drame, sans larme, et avec une dignité insoupçonnable. J'assistais à ça silencieux, stupéfait, effondré, terrorisé, paralysé. Je n'osais pas vraiment regarder mes proches dans les yeux, je tentais d'éviter certains regards. Après sa brève explication, le docteur était sur le point de nous laisser. Mon père s'adressa à lui : "C'est mes fils". Mon frère n'a pu retenir ses larmes. Il a explosé en sanglots et est parti se réfugier dans la salle de bains. Je n'ai pas bougé, impossible. Tout était dit, terminé, c'était la fin. Notre père allait partir. Il venait de nous dire qu'il nous aimait par cette petite phrase. Il avait déclaré son amour à ses fils de sa façon habituelle. On l'a reçu. Il avait tellement de fierté dans les yeux quand il a prononcé cette phrase qu'on a compris son message. J'ai aimé cette pudeur. C'est ce dont j'avais besoin. Ces derniers moments avec lui ont été plus instructifs que je ne l'imaginais. J'ai découvert toute sa force et sa dignité pendant ces heures douloureuses.
Tu me manques terriblement. Je n'oublie pas ces mots. Je fais ce que je peux.
"Si je tends la main au ciel, la serreras-tu?"